DROIT SOCIAL du 11/03

CHAP I : LA NOTION D’ENTREPRISE

Le droit du travail adopte une conception institutionnelle de l’entreprise càd une entité juridique ; autonome et distincte de la personne de l’employeur et des salariés

L’entreprise est une communauté de travail, un corps social qui réunit différentes personnes participant à une œuvre d’ensemble avec des intérêts communs soumises à l’autorité de l’une d’entre elle à savoir le chef d’entreprise

SECTION 1 : LA THEORIE INSTITUTIONNELLE

De cette théorie découle deux conséquences :

1°/ L’entreprise a un intérêt  qui lui est propre ; un intérêt distinct de ce des personnes qui la composent

2°/ comme toute institution, l’entreprise est dotée d’une organisation permanente et autonome et c’est à ce titre que l’on reconnaît à une personne habilité à exercer les pouvoirs nécessaires à son bon fonctionnement

Cette conception institutionnelle est combattue par une partie de la doctrine _ la doctrine syndicale qui considère que cette conception est erronée dans la mesure où les rapports entre employeur et salarié sont par nature conflictuels

Pour  les partisans de cette doctrine et l’intérêt des salariés s’oppose à l’intérêt de l’entreprise qui n’est rien d’autre que l’intérêt de l’employeur.

Cette théorie a été consacrée par la loi AUROUX (au nb de 4)

Ces 4 grandes lois étaient toutes inspirées par une philosophie générale selon laquelle les salariés ne sont pas des sujets de l’entreprise mais des « citoyens ». Dès lors, les salariés doivent se voir un droit au respect de leur liberté individuelle et collective.

En droit positif ; on constate également que cette approche institutionnelle est adoptée à la fois par le juge et par le législateur ex : le transfert d’entreprise ou cette notion institutionnelle de l’entreprise est reprise

Les juges n’hésitent pas non plus à contrôler la légitimité des décisions patronales au regard d’un standard juridique  savoir l’intérêt de l’entreprise.

Le législateur,  lui-même, n’hésite plus aujourd’hui à se référer à cette notion de l’intérêt de l’entreprise le plus souvent de manière implicite mais parfois aussi de manière expresse.

La question se pose de savoir est-ce qu’il n’y aurait pas un droit de l’entreprise ?

Difficulté : l’entreprise n’est pas une notion uniforme

En droit du travail, il y a parfois des difficultés à identifier l’entreprise et a en fixer le périmètre.

                SECTION 2 : L’IDENTIFICATION DE L’ENTREPRISE

Cette identification s’avère parfois difficile dans la mesure où les critères varient selon les situations juridiques ex : la situation de groupe de sociétés →définition donnée par l’art L2332-1 du code du travail « le groupe est constitué d’une entreprise appelée « entreprise dominante » et des entreprises qu’elle contrôle dans les conditions prévues par le code du commerce »

En principe, chaque société du groupe constitue une personne morale distincte ; elle a une existence juridique propre et constitue une entreprise distincte du groupe auquel elle appartient.

La difficulté vient en ce qu’en droit du travail on adopte une conception extensive de l’entreprise par la notion de l’Unité Economique et Sociale (l’U.E.S.)

Au regard de l’U.E.S. : pour l’intérêt de l’organisation de la collectivité des travailleurs et plus précisément s’agissant de la représentation du personnel ; on peut considérer que plusieurs sociétés juridiquement distincte constitue ensemble ce que l’on appelle une U.E.S. à laquelle on va appliquer les mêmes règles que celles applicables à une entreprise unique.

 Cette notion d’U.E.S. a été créée de manière purement prétorienne par la jurisprudence dans les années 70.

Cette conception a été adoptée pour  lutter contre la pratique frauduleuse de certains employeurs qui  consistaient à utiliser la constitution de la société juridiquement distincte afin d’échapper à l’effet de seuil et d’éviter ainsi l’application de dispositions légales impératives notamment dans le domaine de la représentation du personnel.

Mais aujourd’hui, la jurisprudence considère que l’U.E.S. correspond en réalité à la recherche concrète de l’entreprise au sens du droit social et la conséquence c’est qu’elle applique cette notion d’U.E.S. en dehors de toute hypothèse de fraude et dans des matières autres que la règlementation des institutions représentatives du personnel.

Le législateur consacre cette notion d’U.E.S. puisque la loi impose la mise en place d’un comité d’entreprise commun lorsque plusieurs sociétés constituent ensemble une U.E.S.

En matière de licenciement économique et en matière de durée du travail ; la loi fait expressément référence à l’U.E.S. cf loi du 17/01/2002 concernant la validité du plan de sauvegarde de l’emploi

 Comment caractérise-t-on l’U.E.S. ?

Plusieurs sociétés constituant ensemble une seule entreprise

La jurisprudence pose le principe suivant : des sociétés juridiquement distinctes peuvent constituer « en raison de leur compénétration ; de la confusion de leurs activités et de leur communauté d’intérêts et de direction ; un ensemble économique et social unique »

L’U.E.S. s’oppose à la réunion de deux critères :

-          Le critère économique,

-          Le critère social

La jurisprudence rappelle de manière constante la nécessité d’avoir les deux critères.

L’unité économique se caractérise par une unité de direction (= les mêmes dirigeants) et une similitude ou une complémentarité des activités économique des différentes sociétés

L’unité sociale est caractérisée par une communauté de travailleurs

Ici les juges vont utiliser la technique du faisceau d’indices ex :

-          La permutabilité du personnel,

-          Identité des conditions de travail,

-          Identité du statut social

-          La gestion commune du personnel

La notion d’U.E.S. a puu paraître elle-même imprécise dans la mesure où elle était appréhendée de manière différente selon l’IRP en cause

La C.Cass, ch. Soc., considérait que la reconnaissance d’une U.E.S. pour la mise en place d’une I.R. déterminée n’implique pas la mise en place des autres institutions représentatves

Dans un arrêt du 13/07/2004, la ch. Soc. a définitivement abandonné l’approche fonctionnelle de l’U.E.S. et a posé le principe que « la ntion d’U.E.S. n’est pas relative et sa reconnaissance par le juge se fait selon des critères propres indépendant de la finalité des I.R. »

Conséquence : aujourd’hui, l’action en reconnaissance d’une U.E.S. est recevable indépendemment de la question de la mise en place des I.R.P.

La reconnaissance de l’U.E.S. peut se faire :

-          Par  voie judiciaire

-          Par voie conventionnelle = accord collective de groupe négocié au sein des entreprises

La C.Cass a apporté des précisions sur les effets juridiques de cette U.E.S.

                1°/ la reconnaissance d’une U.E.S. emporte dans ce cadre celle des I.R.P. et il en résulte que les mandats des R.P. en cours cessent au jour des élections organisées au sein de cette U.E.S.

2°/ En revanche, dans un arrêt du 16/12/2008, la C.Cass a rappelé que l’U.E.S. permet seulement l’expression collective de l’intérêt des travailleurs appartenant à cette collectivité mais qu’elle ne se substitue pas aux entités juridiques qui la composent.

L’U.E.S. n’a pas la responsabilité morale et ne peut donc se voir reconnaître la qualité juridique de l’employeur.

La jurisprudence rappelle de manière constante qu’il ne peut y avoir d’U.E.S. entre de simples établissement puisque cela suppose  la réunion d’entreprise.

Difficultés :

                1°/ une entreprise peut être composée d’établissements et en droit du travail, l’établissement est une notion juridique qui commande l’application de règles particulières

                2°/ cette notion d’établissement n’est pas uniforme car elle varie en fonction de la nature de l’institution représentative en cause

Cette approche différente est d’autant plus exacerbée que l’on a un double contentieux :

-          Le contentieux relatif à la mise en place des D.S. relève des juridictions judiciaires notamment le T.I.

-          Le contentieux relatif à la mise en place du comité d’établissement ou des D.P. se sont les T.A. qui sont compétents car en principe, le nombre d’établissement distincts et la reconnaissance de la qualité d’établissement se fait par la voie d’un accord collectif négocié dans l’entreprise – en cas de désaccord, c’est le directeur de l’inspection du travail qui est compétent

On a donc deux approches différentes :

-          Celle du Conseil d’Etat

-          Celle de la chambre sociale

La ch. Soc. considère que l’établissement distinct se caractérise par le regroupement de salariés (au moins 50) constituait une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer  des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de l’employeur peu important que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations.

Pour le Conseil d’Etat, la reconnaissance de l’existence d’un établissement est subordonnée de la présence à sa tête d’un représentant de l’employeur délégataire de véritables pouvoirs de gestion et de direction.

Le périmètre de l’entreprise (= la taille de l’entreprise) elle-même peut parfois aussi être difficile à déterminer dans la mesure où le décompte de l’effectif ne se fait pas de la même manière selon les règles à appliquer.

En principe, on calcule l’effectif de l’entreprise au  jour J.

Mais au regard de la mise en place des I.R.P. ; le calcul de l’effectif se fait selon des règles différentes → ce n’est pas au jour  J mais on prend en compte l’effectif moyen sur une période de 12 mois consécutives ou non au cours des trois dernières années.

 
CHAP II : LA NEGOCIATION COLLECTIVE

Elle est l’une des formes d’expression de l’action collective et pour finalité la conclusion de conventions ou d’accords ayant pour objet de fixer les conditions d’emploi ; de formation professionnelle et de travail ainsi que les garanties sociales des travailleurs.

La négociation collective est un droit reconnu par la Constitution en son préambule au titre des principe particulièrement nécessaires à notre temps mais curieusement elle ne faisait l’objet d’aucune véritable règlementation

Quelques bases ont été posées par la loi du 11/02/1950 mais c’est la loi du 13/11/1982 qui va lui donner un véritable régime juridique . Et c’est cette loi qui inscrit dans le code du travail le droit des salariés à la négociation de leur condition de travail art L2221-1 du code du travail

C’esst cette loi qui consacre également les différents niveaux de négociation :

-          Le niveau interprofessionnel

-          Le niveau de la branche

-          Le niveau de l’entreprise

Le régime instituait par la loi de 82 et restait le même depuis plus de 20ans jusqu’à la loi Fillon du 4/05/2004 et plus récemment  celle du 20/08/2008 qui est  venu réformer en profondeur les règles de représentativité des syndicats et le droit à la négociation collective.

 

                SECTION 1 : LES REGLES GENERALES

La loi définit la convention collective ou accord collectif comme « un acte écrit à peine de nullité conclu entre d’une part une ou plusieurs organisations syndicales de salariés reconnus représentatives dans le champ d’application de la Convention ou de l’accord ; et d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d’employeur ou tout autre groupement d’employeur ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.

Quelle est la différence entre convention collective et accord collectif ?

C’est le contenu

·         La convention collective

o   A vocation à traiter de l’ensemble des statuts des salariés

·         L’accord collectif

o   Porte sur un point particulier du statut ex : accord sur les salaires

Chacun de ces documents déterminent son champ d’application territoriale et professionnelle.

Ils peuvent être conclus pour une durée déterminée ou indéterminée.

Ils prévoient généralement les modalités de leur révision et de leur renouvellement.

Les conventions et les accords doivent faire l’objet :

-          d’un dépôt auprès des services administratifs du travail ex : pour les accords de branche ; services centraux de l’administration du travail

-          d’un dépôt aussi auprès des Greffes du CPH dans le ressort duquel est situé le lieu de conclusion.

La loi précise que les textes conventionnels sont applicables à partir du jour qui suit leur dépôt.

Par ailleurs, l’employeur a l’obligation d’informer les représentants du personnel et les salariés des textes conventionnels applicables dans l’entreprise.

·         Au regard des R.P.

o   L’employeur doit fournir un exemplaire des différentes conventions applicables et il doit en outre tenir un exemplaire à jour à la disposition des salariés (par le bias de l’affichage d’un avis)

Lors de l’embauche, l’employeur doit remettre un document l’informant des différentes dispositions applicables.

Il y  a en droit français 3 niveaux de régime :

1°/ le niveau national interprofessionnel

A ce niveau sont conclus des accords entre les organisations patronales et organisations syndicales des salariés représentatives au niveau national à la fois dans les branches de :

-          L’industrie

-          Les services

-          Les commerces

Ce sont les accords nationaux interprofessionnels et ils introduisent des avancées sociales importantes qui sont ensuite entérinés par la loi ex :

-          La 4è semaine de congés payés

-          La mensualisation

-          ANI du 19/01/2008 sur la modernisation du marché du travail partiellement transposé dans la loi du 25/06/2008 au regard de la période d’essai

2°/ le niveau de la branche professionnelle

Conventions et accords conclus entre les syndicats de salariés et les syndicats d’employeurs représentatifs dans le secteur d’activité professionnelle

3°/ le niveau de l’entreprise

Pendant longtemps, ce niveau de négociation est resté ignoré mais depuis quelques années, le législateur encourage la négociation d’entreprise et la même rendu obligatoire sur certains thèmes.

 

                §1 : L’articulation des normes conventionnelles

En droit du travail, on a une règle qui permet de combiner les différentes sources entre elles →c’est le principe de faveur  qui implique qu’une norme inférieure ne peut déroger à une norme supérieure que dans un sens plus favorable cf. art L2251-1 qui dispose « une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables au salarié que les dispositions légales en vigueur .

Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’O.P. »

De la même manière, la loi rappelle, art L254-1 que le contrat de travail ne peut déroger aux dispositions conventionnelles que dans un sens plus favorable au salarié.

C’est ce principe de faveur qui permet normalement de régler les difficultés en cas de concours de normes conventionnelles.

La jurisprudence pose le principe que dans l’hypothèse où plusieurs accords collectifs sont susceptibles de s’appliquer dans l’entreprise ; la comparaison doit se faire avantage par avantage mais de manière globale sans qu’il ne puisse y avoir cumul des avantaes de même nature.

Il faut donc prendre en compte la situation de l’ensemble des salariés et non la situation individuelle du salarié (→application distributive avantage par avantage puis application sur la situation globale des salariés)

Cette règle connaît des exceptions puisque la loi autorise la négociation d’accords comportant des dipositions moins favorables au salarié « les accords dérogatoires »

Avant, cette faculté n’était possible que dans des activités fixées par la loi mais la loi de 05/2004 a étendu à tous les niveaux de négociation la faculté de conclure un accord dérogatoire.

La loi prévoit ainsi qu’un accord de branche ou un accord interprofessionnel peuvent comporter des stipulations moins favorables que celles d’une convention ou d’un accord dont le champ territorial ou professionnel est plus large = cf. art L2252-1 et art L2253-3 autorise , sauf dans certaines matières expressément énumérées ; salaires minimas, classifications et garanties en matière de protection sociale complémentaire ; un acord d’entreprise à « déroger » à une convention de branche ou à un accord professionnel ou inter professionnel dès lors que cette faculté n’est pas expressément interdite ou limitée par un accord de niveau supérieur.

 

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