DROIT DES LIBERTES FONDAMENTALES 4/04

D/ La preuve des mauvais traitements

 

Les juges européens sont confrontés à un problème très délicat, celui de la preuve des mauvais traitements. En principe, il appartient à la victime d’apporter la preuve des mauvais traitements, mais dans certains cas jugés difficiles, les juges peuvent également procéder à une enquête sur place ou encore se référer aux informations collectées éventuellement par le comité européen de prévention de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants. La Cour EDH estime ne pouvoir condamner l’Etat défenseur que si la matérialité des faits est établie, mais cette preuve sera difficile à apporter si les mauvais traitements en cause sont intervenus lors de l’arrestation « musclée ». Dans un Arrêt du 4/12/95 contre Autriche, la Cour a tenu à souligner « qu’à l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas rendue strictement nécessaire par le propre comportement de la dite personne, porte atteinte à la dignité humaine et constitue en principe une violation du droit garanti par l’art 3 de la CEDH ».

 

 

PART 3. L’interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé obligatoire.

 

L’esclavage existe encore. C’est l’esclavage moderne, qui malgré les textes qui l’ont aboli, perdure. La pratique de la servitude pour dette existe encore. Par un décret du 27/04/1948 la France est partie aux traités internationaux qui interdisent et réprime l’esclavage. L’art 4 de la CEDH, comme la plus part des traités internationaux de même nature condamne l’esclavage et la servitude. Cette prohibition a été renforcée par de nombreuses conventions spécifiques (Conv de Genève 25/09/1926, Convention de L’OIT du 28/06/1930, Convention de l’OIT du 25/06/1957). C’est une prohibition absolue, sans exception, qui comporte une obligation positive de protéger les personnes placées sous leur juridiction. En vertu de l’art 4 de la CEDH, « Nul ne peut être tenu en esclavage, mis en servitude, nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé obligatoire… »

 

 

I.                    Domaine d’application des droits garantis par l’art 4 de la CEDH

 

1)      L’esclavage

 

La notion d’esclavage a été définie par la Convention de Genève de 1926, comme « l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété totalement ou certains d’entre eux ». L’esclave est la personne ou l’individu qui est juridiquement la propriété d’autrui et qui peut être considéré comme étant un bien. Or, dans le monde actuel, il existe plusieurs nouvelles formes d’esclavage qui échappent à la définition internationale de l’esclavage et qui sont difficile à sanctionner parce qu’elles n’entrent pas dans la définition internationale : Cadence de travail démesuré, Salaire de misère, la prostitution d’enfants.

 

2)      La servitude

 

La servitude en revanche, n’a pas fait l’objet d’une définition officielle sur le plan international. La Cour EDH dans un Arrêt du 24/6/1982 a essayé de dessiner les contours de cette notion qui est très ambigüe. En l’espèce, un condamné était mis à la disposition du gouvernement belge, selon une loi de défense sociale, et qui était, de ce fait, attaché à une colonie pénitentiaire ou il était astreint au travail et dont il ne pouvait sortir sans autorisation discrétionnaire du ministre de la Justice. Pour définir la notion de servitude au sens de l’article 4 de la CEDH la Cour rappelle que la notion de servitude prohibe toute forme de négation de la liberté. Selon la Cour EDH, la servitude s’analyse comme une obligation de prêter ses services sous l’empire de la contrainte.

 

3)      Le travail forcé

 

La aussi, la CEDH ne donne aucune définition de ce qu’est le Travail Forcé ou obligatoire. C’est la Conv de l’OIT N°29 du 28/06/1930  qui qualifie « de forcé ou d’obligatoire tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne sait pas offert de plein gré. ». Pour qu’il y ait travail forcé ou obligatoire, il n’est aps nécessaire que la menace soit directe ou physique. La Cour EDH a été saisie de quelques affaires concernant les professions règlementées, dans les cas d’avocat commis d’office rémunéré ou non, il n’y a pas a proprement parlé de travail forcé ou obligatoire.

De même, l’obligation faite à un joueur de football professionnel obligé de jouer dans le même club lorsque que celui-ci refuse de payer l’indemnité de transfert n’entre pas dans le champs d’application de l’article 4 de la CEDH.

 

Il convient de souligner que malgré les textes, il y a toujours des cas de travail forcé obligatoire dans certains états ayant ratifié la convention.

Il appartient à la personne victime du travail forcé ou obligatoire de rapporter la preuve de celui-ci.

 

 

II.                  L’exclusion du champ d’application du travail forcé ou obligatoire

 

L’art 4 de la CEDH exclu toute une série de travaux :

-          Travail des personnes détenues

-          Service militaire

 

 

SECTION 3 : LES LIBERTES DE LA PERSONNE PHYSIQUE

 

Part 1 : Liberté et sureté

 

I.                    Droit à la liberté

 

Il vise à protéger la liberté physique de la personne humaine contre toute forme d’arrestation ou de détention arbitraire ou abusive, ce droit occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le CEDH.

La CEDH reconnait la possibilité aux états signataires, le pouvoir de priver de liberté certaines personnes représentant une menace pour l’ordre public ou social. L’art 5 de la CEDH dispose que toute personne a droit  la liberté et à la sureté, nul ne peut être privé de liberté, sauf dans des cas prévus par des lois ou des règlements.

Selon la Cour EDH, toute personne arrêtée doit être informée dans le plus bref délai et dans une langue qu’elle comprend des raisons de son arrestation et de toutes les charges contre lui. Toute personne arrêtée ou détenue doit aussi tôt être traduite devant un juge et doit être jugée dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure. L’interpellé  le droit à un recours devant un tribunal et toute personne victime ou d’une détention dans les conditions contraires à cet article à droit à une réparation.

 

 

II.                  La subordination de la privation de liberté

 

 Les cas sont prévus par la loi et cette subordination diminue la marge d’appréciation discrétionnaire des états en ce sens qu’elle pose pour principe que la liberté étant la règle, toute exception qui ne correspond pas à celles prévues s’analysera juridiquement à une violation de la CEDH.

Dans une affaire jugée du 19/05/2004 LR et MJD c/ France : un restaurateur parisien avait été amené au commissariat et placé dans une infirmerie psychiatrique durant la nuit à la suite de plusieurs disputes avec le propriétaire du restau voisin. Constatant que le maintien en détention de cet individu était basé sur le fait que le médecin n’avait pas été a même de le libérer, la CEDH a estimé que la privation de liberté n’avait aucune justification médicale et constitue donc une violation de l’art 5 paragraphe 1 de la CEDH.

Dans l’affaire HILDA C/ ISLANDE (1984) la requérante avait été maintenue en garde à vue pendant la nuit à 6 reprises pour état d’ébriété, la Cour a estimé qu’il y avait violation de l’art 5 part 1 au motif que la base légale de la détention n’était aps suffisamment précisée et accessible. La jurisprudence de la Cour relative aux motifs justifiant la prolongation d’une détention provisoire est bien établie. Les juridictions internes doivent fournir des motifs pertinents et suffisants. Es les motifs le plus souvent invoqué à cet égard sont souvent l’existence d’un danger de fuite ou de récidive ou un risque de manipulation de preuve ou l’intimidation des témoins. Toutefois, si ces motifs justifient la détention pendant une période initiale, la Cour EDH a souligné que ces motifs devenaient moins pertinents au fil du temps, si bien qu’à certains stades, ils ne peuvent plus être invoqués pour maintenir l’inculpé en détention. En application des dispositions relatives à la présomption d’innocence, les autorités sont tenues selon la Cour d’agir avec une diligence particulière lorsque l’inculpé est détenu. En d’autres termes, les autorités doivent justifier de manières convaincantes toute période de détention, courte ou longue. Affaire HERZ c/ Allemagne 12/06/2003 : un juge avait ordonné l’internement d’urgence du requérant en se fondant sur une consultation téléphonique d’un médecin qui n’avait pas été examiné par le médecin. La Cour a toutefois reconnu que compte tenu de l’urgence, la mesure était compatible avec la CEDH.

Hypothèses admises :

-          Arrestation ou détention découlant d’une ordonnance judiciaire ou d’une obligation légale

-          Détention provisoire

La privation de liberté est admise dès lors que son objectif est de conduire la personne mise en cause devant l’autorité judiciaire compétente. La détention d’un mineur est possible à condition qu’elle soit régulière ou décidée dans le cadre d’une éducation surveillée. La détention de certains malades et marginaux qui présentent un risque de maladie. La détention des étrangers est autorisée. La privation de liberté doit être légale et régulière, dans le cas contraire, la Cour sanctionne toutes les décisions relatives  la détention arbitraire et injustifiée.

La Cour souligne enfin que les autorités nationales sont tenues de prendre toutes les mesures positives afin d’assurer la protection des personnes vulnérables et cela concerne aussi les relations entre les particuliers.

Un contrôle préalable doit être effectué sur la régularité des mesures de placement et du traitement médical dans les cliniques psychiatriques privées. Affaire 25/01/2005 ENHORM C/ Suède : le Juge Européen était confronté à la question de la détention d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse. Après avoir transmise le SIDA a un partenaire de 19 ans, le requérant a été placé en 1995 en isolement obligatoire par le TA suédois pendant une période de trois mois. La mesure a été prorogée à intervalle régulier et a duré plus de 18 mois. Pour la Cour EDH la détention de la personne infectée ne se justifie que si les mesures moins rigoureuses ont été envisagées et jugées insuffisantes pour protéger l’intérêt général, savoir, empêcher la propagation de la maladie. Or tel n’est aps le cas en l’espèce, la suède n’a pas envisagé des mesures alternatives moins sévères donc il y a eu violation de l’article 5 part 1.

 

 

Part 2 : Le droit à la liberté de circulation

 

Ce droit est reconnu en des termes différents pour les étrangers et pour les résidents comme par le PIDCP art 12.

 

I.                    Le droit d’entrer et de rester sur le territoire d’un état

 

Ce droit est réservé par la CEDH aux seuls ressortissants de cet Etat. Les étrangers ne bénéficient donc pas de ce droit. Le pacte est moins restrictif. Art 12 part 4 fait référence au droit d’entrer dans son propre pays et ce droit est reconnu à toute personne, y compris les nationaux, en raison des liens particuliers entre le pays d’origine et le pays de résidence.

Par ailleurs, l’article 3 du protocole N°4 interdit l’expulsion des nationaux. Ceci est absolu et inconditionnel. La CEDH ne garantie pas pour autant un droit à une nationalité semblable a celui qui est inscrit à l’article 15 DUDH ou à l’article 20 de la Conv Américaine des droits de l’homme.

 

II.                  Le droit de circuler etd e résider librement sur le territoire d’un état

 

Ce droit est reconnu aux nationaux et aux étrangers en situation régulière. Cette disposition renvoie au droit interne et laisse le soin aux états parties de définir les conditions rendant régulière la présence d’un étranger sur leur territoire. Les simples restrictions au droit de circuler relèvent de la liberté de circulation et non du droit à la liberté et à la sureté. Il en va ainsi des mesures de prévention (assignation à résidence, placement sous surveillance policière, retrait du permis de conduire) outre qu’elles doivent remplir la condition de légalité au sens de la CEDH, ces restrictions doivent être nécessaires dans une société démocratique et satisfaire à l’exigence de proportionnalité.

En revanche, une mesure de bannissement intérieur constitue une violation du droit de circuler.

 

 

 

SECTION 4. LES DROITS DE PROCEDURE

 

Les droits de procédure constituent la seule catégorie de droits dont le contenu ne renvoi pas à une liberté matérielle mais à une garantie dont dispose un individu à faire valoir ses droits et liberté, droit à un procès équitable.

 

Part 1 : Droit à un procès équitable art 6

 

Les dispositions de la CEDH sont au nombre de celles qui sont le plus évoquées devant la Cour EDH, notamment l’article 6 qui consacre le droit à un procès équitable, l’impartialité du juge et le délai raisonnable.

Cet article est considéré comme la pièce maitresse de la CEDH. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la Loi… »

 

I.                    Le Champ d’application de l’art 6

 

Le droit à un procès équitable recouvre d’avoir le droit à un accès au Tribunal. Ce droit peut être violé par un obstacle juridique mais aussi par un obstacle de fait, par exemple le coût élevé de la procédure ou l’impossibilité d’obtenir l’aide judiciaire gratuite.

La première difficulté vient de définir conceptuellement ce qui est équitable et ce qui ne l’est pas. Selon la Commission EDH, chaque partie impliquée dans un procès doit avoir des possibilités de défendre ses intérêts dans une position qui ne soit pas désaventageuse pour la partie adverse. En principe est dit équitable lorsque les parties bénéficient des mêmes droits ou des mêmes garanties.

Le droit à un procès équitable s’applique seulement aux contestations sur les droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale.

La Cour EDH estime que ces deux notions ne sont aps claires mais peuvent interprétées par simple référence au droit interne de l’Etat défendeur et qu’il s’ait là de concept autonome. Dès lors, selon la Cour, trancher des questions relatives aux droits et obligations de caractère civil concerne les particuliers mais aussi entre les particuliers et puissance publique. La contestation doit être réelle et sérieuse, ce qui signifie que le recours ne doit pas être dépourvu de la moindre chance de succès.

Ce droit n’est autre que le droit à une bonne justice dans ses droits dimensions essentielles : l’accès à l’appareil judiciaire, le fonctionnement du dit appareil et l’exécution des décisions.

 

En matière civile la contestation peut porter aussi bien sur un même droit que sur son étendue ou ses modalités d’exercice. Le juge Euro a intégré dans le champ d’application de l’art 6 le contentieux disciplinaire et le contentieux social.

 

En matière pénale, l’applicabilité de l’art 6 suppose l’existence d’une accusation. La Cour EDH a fixé trois critères : la qualification donnée par le droit interne en cause, la nature même de l’infraction, et la gravité l’infraction encourue.

 

L’accès à un tribunal se caractérise par la fonction matérielle du tribunal, c'est-à-dire le pouvoir de trancher sur la base de normes et de règles contradictoires.

 

En vertu de cet article 6, les états parties doivent prendre des mesures nécessaires afin de réduire les obstacles de nature à entraver l’accès des justiciables au tribunal.

 

Si l’indépendance et l’impartialité sont des exigences importantes du procès équitable, il convient d’observer que le tribunal doit être établi par la Loi. L’indépendance s’apprécie à un double point de vue, puisqu’elle doit exister tant à l’égard du pouvoir exécutif qu’à celui des parties.

 

Cette indépendance doit exister à l’égard des groupes de pression également. Elle concerne également la composition et la compétence des juridictions. Ceci est reconnu par la Loi interne. En revanche l’indépendance des juridictions judiciaires a souvent été remise en cause en raison des liens étroits entre les magistrats et le ministère de la justice.

 

En ce qui concerne la situation des parties dans le procès et l’égalité des armes, la Cour EDH souligne que l’égalité des armes est un principe fondamental du procès équitable et en ce qui concerne l’ensemble de la justice. Au sens du Droit Euro, l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie impliquée dans un procès une possibilité raisonnable de présenter sa cause. Ce principe se rattache à l’exigence d’équité et l’égalité des armes jouent entre les parties au procès. Il se traduit par la communication des pièces et conclusions à toutes les articles (article 15 NCPC) respect du contradictoire.

 

La publicité des débats s’applique aux jugements mais aussi aux débats. Il s’agit là de protéger les justiciables contre une justice secrète. La publicité des débats est admise devant les juridictions ordinaires mais peut être limitée pour préserver l’intérêt général, l’Ordre public, sécurité nationale, assises des mineurs.

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